2010, ed. Le Manuscrit
Recueil de nouvelles dépeignant les personnages aux prises avec la vie, mais résistant à ses assauts.
Des mots comme autant d’attentes. Les nouvelles d’Aure Séguier peignent les aspirations de personnages à la recherche de l’autre. Une jeune femme pompier sous le charme d’une voisine de pallier qui lui ressemble étonnamment, une professeur de violon amoureuse d’un trafiquant de drogue, une adolescente muette depuis la mort de sa meilleure amie. Autant d’êtres en sommeil qui cherchent l’espoir au cœur de leurs existences. Ecrit dans une langue lumineuse, Sang d’encre donne la parole à des êtres qui apprennent à surmonter leur solitude. Un recueil de nouvelles aux accents doux-amer.
C'est cela un amant. Ça vous donne plus de points de suspension que de paroles, et ça s'en sert pour en tresser des phrases à mots couverts qui vous recouvrent les yeux. Avec eux, même le danger paraît léger et risible.Je ne suis pas plus mariée que lui mais c'est mon amant. Ni lui ni moi, à vingt-trois ans, n'avons envie de tout achever de découvrir pour ensuite se consumer lentement dans une vieille cheminée de campagne entourée de rocking-chairs. Rien ne vaut ces instants brûlants, ces feux d'artifices d'émotions que nous nous offrons une fois par semaine. En attendant de vieillir sagement. Les mœurs nous diront que ce n'est pas « normal », mais je leur répondrai « Nous non plus. ».
Quand elle ouvrit les yeux ce matin-là, il faisait froid. Elle se pelotonna sous la couette qui avait été inutile en ces dernières chaudes journées de décembre mais elle continua de grelotter. Lorsqu’elle enfila un pull et qu’elle vit qu’elle se sentait toujours aussi transie, elle comprit. Ce n’était pas l’air qui était frais ; le froid, c’était dedans. Dans la nuit, on avait ouvert quelque chose en elle et son corps s’était peu à peu empli de courants d’air. La fraîcheur venait de son cœur. Celui-ci, blessé d’une plaie béante, laissait s’enfuir la chaleur qu’il avait toujours renfermée et s’emplissait du courant d’air qui l’entourait. C’était son cœur qui tremblait, pas son corps. Son cœur couvert de chair de poule. En même temps que s’en envolait l’air chaud fuyaient des souvenirs de rires et d’innocence, fuyaient l’enfance, l’insouciance, l’espoir et la confiance. Elle ne comprenait plus.
Le camion m’emmène sur les lieux. Une voiture est en flammes. Nous sortons les blessés, barrons la route puis quand tout le monde est hors de danger, tentons de maîtriser les flammes. Oh, ces flammes ! Le reflet de mes pensées. Je reste hypnotisée. Dans le rouge, un visage. La photographie révélée du flash de mon œil gauche. Elle parle mais sa voix n’est qu’un crépitement. Son sourire étincelle, mais non, ce sont les circuits de la voiture qui explosent, non, c’est mon cœur qui explose. Un éclair à nouveau. J’ouvre les yeux, tiens, je suis dans mon tableau.