2003, ed. Le Manuscrit
Le premier ouvrage d'Aure, écrit pendant ses années lycées. Il retrace l'histoire de Shania qui, de petite fille arrachée à sa famille, va devenir leader dans l'insurrection de son peuple.
Le peuple de Shania est réduit en esclavage par deux autres ethnies. Mais, dans la dense forêt de ce pays vivent de nombreux résistants. Parmi eux un vieux sage, pilier du combat de la région, qui va recueillir Shania après son évasion. Devenue adolescente, celle-ci va-t-elle parvenir à faire de son peuple un peuple libre, et à rassembler sa famille esclave éparpillée dans tout le pays ?
Ce livre est à la fois inspiré de la seconde guerre mondiale, de l’esclavage des noirs au 18e siècle, de la guerre du Viêt-nam et de nombreuses autres. On y retrouve l’idéal commun des peuples luttant pour leur liberté, lutte menée par une philosophie et une tradition de vie profondément ancrées dans la nature.
Ils étaient à peine à un kilomètre du foyer lorsqu’ils entendirent un grondement sourd semblant venir du fin fond de la nuit. Ils se mirent à courir. Lorsque enfin ils arrivèrent devant l’orphelinat, il y avait près de dix centimètres d’eau dans la cour. Tout semblait dormir. Les trois amis s’engouffrèrent dans le bâtiment en criant à tue-tête. Orion, le directeur, sortit aussitôt de sa chambre. Avec l’aide du personnel, ils réveillèrent tous les enfants et les firent monter l’un après l’autre dans l’immense grenier au-dessus des chambres. Le niveau de l’eau ne cessait d’augmenter. Elle avait à présent atteint un demi mètre. Les gamins pleuraient, appelaient leur mère d’une voix tremblante… Lorsqu’ils furent tous en sécurité, Noémie, Shania et Guillaume s’en furent porter secours aux habitants du village. Ils avaient de l’eau jusqu’à la taille et étaient obligés de se tenir étroitement pour ne pas être emportés par le courant. Ils entendirent des cris en aval. Enfin, ils atteignirent le hameau. Certains de ses habitants étaient réfugiés sur les toits des maisons, d’autres étaient perchés dans les arbres, d’autres, enfin coincés dans leurs logis. Portant secours aux hommes du village, tous trois se mirent à tenter d’évacuer les dernières maisons encore occupées.
Cet homme s’appelait Ritso Jajacky (Ritso signifie sage en Desston). Il prit Shania sous son aile. Il l’emmenait partout où il allait. Il lui apprenait à être la nature, à lui parler, à la comprendre, à ne prendre d’elle que ce dont elle avait besoin. Avec des mots simples, il lui transmettait son savoir et lui faisait découvrir des centaines d’activités : elle s’essayait à la pêche, à la chasse, l’agriculture, la sculpture, l’écriture, le dessin, la musique, la danse, le jonglage, la coiffure, le maquillage… Elle apprit à écouter son corps et son cœur, découvrant par-là la complexité de l’être humain, à utiliser ses cinq sens, à mettre un nom sur chaque chose pour toujours trouver les mots justes, à maîtriser son inconscient, à soigner les maladies grâce aux herbes ou aux massages.
Le premier jour de l’offensive correspondait aux vingt-deux ans de Shania. Elle avait quatre pensions à investir. La première se trouvait au bord du Loriet, tout au sud de la région ; elle appartenait aux hultrois. La seconde était au pied de la montagne, au nord, et était dirigée par les travinciens. Les deux dernières, hultroises, se trouvaient sur deux des rives du Lac des Sables. Il allait falloir les assiéger dans la même nuit, c’est pourquoi elles avaient été gardées pour la fin, lorsqu’un maximum d’hommes aurait été libéré. Les détachements de la caserne GM et la clairière Philo étaient prêts à passer à l’attaque. La majorité des hommes et femmes de l’Andage aptes au combat attendaient, eux aussi, le signal. « Murnocta ! » cria une voix. Alors, avec un grondement sorti de milliers de poitrines, on investit tous les postes de garde et désarma toutes les sentinelles. Aussitôt, la masse des combattants pénétra dans la pension. Les hultrois, réveillés en sursaut, furent maîtrisés en un rien de temps, tant par les combattants extérieurs que par les esclaves qui s’étaient joints à eux. On enferma les maîtres dans les cachots qu’ils réservaient autrefois aux serviteurs récalcitrants et, avec les provisions des cuisines, on prépara un somptueux repas. Après avoir posté des gardes tout autour de la pension, on festoya toute la nuit.